mercredi 15 décembre 2010

Tout le monde ment.

Mentir, c'est mal.Si je dis cette phrase en public,il y a peu de chances que l'on me condamne pour pensée subversive. C'est ce que l'on enseigne aux enfants, c'est ce que l'on leur répete, c'est la raison pour laquelle on les punit lorsqu'ils sont pris en flagrant délit de mensonge.
Et pourtant, mentir, c'est nécessaire. Parfois. Ne me dites pas "ah non, jamais", ou bien je vous force a dire "oh qu'il est laid!"la prochaine fois que vous verrez un bébé un peu...laid.
Il y a les mensonges de politesse, les mensonges que la plupart des gens disent pour ne pas se trouver embarassés eux memes.Comme celui ci:
"oui j'aimerai venir, je suis désolée mais mon fils a la grippe tu comprends? "
Ça sonne mieux que "ah non, j'ai vraiment pas envie de m'ennuyer a ton dinner, désolée..."
Il y a toute sortes de mensonges, donc. Les enfants, en général, mentent assez bien aussi. Ils disent "ah ben non c'est lui qui a commencé" et peuvent s'en convaincre eux memes au point de se sentir outragés si on ne les croit pas.
Enfin, la plupart des enfants. Un enfant qui a un trouble du spectre autistique , au début de sa socialisation, n'aura pas le reflexe...Il a entendu toute sa jeune vie "les mensonges, c'est mal", et il a compris. On ne doit pas mentir. De toute façon il n'a pas de raison de mentir, puisqu'il croit que les adultes voient tout ce qui se passe dans sa tete. Cet enfant arrive á l'ecole avec la capacité de mensonge d'un bébé d'un an, et se trouve face a des maitres es manipulation. comment peut il se défendre? Il dit la vérité. Il dit a la maitresse, untel m'a appelé nicolas. . Non seulement il ne sait pas mentir, mais il ne sait pas expliquer pourquoi cela l'enerve a ce point, qu'on l'appelle Nicolas. Apres tout, c'est son prénom....il est bizarre ce gosse.
Moi je sais, je l'ai vécu. Les enfants, á 9h du matin, ont décidé en petit groupe que "nicolas" est á présent le synonyme de "débile". Ils en ont informé nicolas á 10h, á la récréation. á 11h, Nicolas qui ne veut pas etre rejeté, continue de rire avec eux lorsqu'un camarade l'apelle Nicolas. A 12h, á la cantine, les enfants chantent "nicolas, nicolas" en lui donnant de petits coups de pieds sous la table. il faut les comprendre, un tel manque de réaction, c'est intenable, on l'insulte et il rigole??
á 13h 30, les enfants rentrent en classe, et nicolas est soulagé , peut etre qu'ils vont passer á autre chose á présent? á la récréation de 15h, les enfants coincent nicolas dans les toilettes et lui crient "espece de nicolas "au visage, jusqu'a ce qu'il pleure. Nicolas va voir la maitresse pour faire cesser la torture.
"maitresse, ils m'apellent nicolas..." * regard interloqué* -"et alors? "* il est bizarre ce gosse...*
Meme si elle apelle les autres enfants, ils sauront quoi dire. Nicolas, c'est pas comme ca qu'il s'apelle? on voulait juste qu'il joue avec nous c'est pour ca qu'on l'apelle. mais il pleure tout le temps...
La maitresse ne peut qu'etre d'accord. elle convoque la maman, et lui dit que son fils a un souci , il ne veut plus qu'on l'apelle nicolas, peut etre y a t il une dissociation avec la réalité, cet enfant est trop dans son monde, peut etre une évaluation psychologique?
Tout le monde sait mentir. Meme la maman de nicolas, elle sait faire. Mais si Nicolas a de la chance, elle saura aussi voir la vérité , poser les bonnes questions. bien sur que cela n'aide pas, que nicolas ait oublié depuis longtemps *pourquoi* exactement et *comment* son prénom est devenu une insulte pour les enfants de son école. Il n'a pas retenu ce passage.
Nicolas doit apprendre a se défendre contre la manipulation et le mensonge. doit il apprendre á mentir? Si sa maman sait mentir, il faut qu'elle le lui apprenne. non , pas mentir exactement. mais retrouver la vérité qui á été masquée. la vérité, celle que nicolas aurait du exposer á la maitresse, la voici.
"ils me traitent de débile, ils me poursuivent et me crient des insultes" C'est plus proche de la réalité, mais dire cela pour nicolas, c'est mentir.
Je pense qu'il y a une idée derriere ce post, je ne sais pas si il faut apprendre aux enfants autistes a mentir, je ne sais meme pas si il est possible qu'un jour ils fassent la distinction entre les moments ou le mensonge s'impose, et ceux ou il faut etre honnette.
Dans un monde idéal, on pourrait aller voir la maitresse de son enfant et lui dire "faites attention a mon fils, il ne sait pas mentir". Et elle comprendrait ce que cela implique. Malheureusement, si une mere faisait ça,et surtout si cette mere souffre elle meme d'un trouble autistique et n'est pas capable d'expliquer , justement, ce que cela implique, elle risquerait de recevoir le * regard interloqué* de la maitresse. * bien suuur ton fils est parfait oui oui... encore une emmerdeuse...*
Car tout le monde ment.

mardi 14 décembre 2010

mes excuses

Je viens de me rendre compte que mon blog n'est pas une ile. En relisant ce que j'avais écrit, je me suis demandée si je ne risquais pas d'offenser certaines personnes , si je ne généralisais pas trop.
Il y a plusieurs courants politiques concernant l'autisme, qui peuvent se diviser en deux grands groupes: les personnes qui donnent de l'argent á des organismes tels que "autism speaks" (video)

 
cet organisme mene une "campagne contre l'autisme", sans préciser de quelle maniere exactement ils vont s'y prendre pour l'éradiquer( ils parlent de recherche pour "un remede contre l'autisme") , et récoltent l'argent des familles.Puis ils utilisent cet argent, en partie pour financer la recherche génétique sur l'autisme en vue d'offrir la possibilité aux familles d'avorter en cas de suspicion de présence de troubles autistiques chez le foetus, et en partie pour s'acheter des tapis persans.

la deuxieme famille politique est á l'opposé de cela et milite pour la reconaissance de la valeur humaine de chaque individu quelle que soit sa neurologie. Elle estime que ces fonds seraient bien plus utiles si ils étaient dépensés dans l'interet des autistes déja nés, dans le developpement de thérapies nouvelles et de méthodes d'enseignement adaptées.
Je généralise encore, mais voila les deux groupes principaux.
Au sein de la deuxieme famille se situent les avocats ou self advocates ( mot francais...auto avocats?) de l'autisme et des autistes, qui militent pour leurs droits dans notre société.
Aux états unis, par exemple, le droit á ne pas recevoir de coup de tazer avant l'age adulte ( voici la liste des réponses de google:
http://www.google.fr/#hl=nl&expIds=25657,27026,27031,27906&xhr=t&q=tazered+autistic+boy&cp=20&pf=p&sclient=psy&aq=f&aqi=&aql=&oq=tazered+autistic+boy&gs_rfai=&pbx=1&fp=6aa205fd68e06a88

ou le droit de ne pas se faire tuer par sa propre mere.
Un nombre impressionnant d'enfants et d'adultes autistes sont assassinés partout dans le monde. une petite fille de huit ans a été emmenée par la police , parceque sa maitresse n'en pouvait plus de la voir avec une capuche sur la tete et a les á appelés a la rescousse. Oui,pour une capuche.
Malheureusement, une vidéo d'autism speaks a mis le feu aux poudres recemment. sur celle ci, une mere dit qu'elle a parfois envie de tuer sa fille et de se suicider. on voit clairement la petite fille qui joue juste derriere sa mere.
Un grand nombre de personnes a réagit violemment a cette vidéo dans le milieu autistique.Il ne s'agit pas de nier que certaines meres puissent etre épuisées, cela semble normal, mais au vu des chiffres actuels concernant les meurtres d'enfants autistes, cautionner ce genre de phrases semble difficile.
Si vous regardez certaines vidéos d'autism speaks, vous verrez des enfants crier. ou pleurer. des enfants autistes qui pleurent. ces enfants insupportables. Qui ne voudrait pas avorter un enfant pareil?
Ces enfants n'ont pas le droit d'exprimer un sentiment négatif. Ils sont certainement frustrés de ne pas etre compris, ils ont peut etre des problemes sensoriels qui rendent leur vie intenable, mais ils feraient mieux de sourire. Parceque si ils osent exprimer leur frustration, ils sont perçus comme des monstres. Leurs sentiments se retournent contre eux.
Par contre, entendre une mere dire qu'elle veut tuer son enfant, cela ne choque plus personne. il faut la comprendre, un enfant autiste...
Vous voyez donc ou je me situe politiquement. Ou á peu prés. Je sais qu'il existe des neurotypiques parfaitement sains d'esprit, je sais aussi que les autistes ne sont pas tous des anges, mais la vérité, c'est qu'un autiste n'a pas le pouvoir d'exprimer ses sentiments sans etre jugé par rapport á son handicap. Tout ce qu'il dira pourra etre utilisé contre lui. Je me place donc du coté des avocats. Le pouvoir des neurotypiques, c'est de pouvoir exprimer tout ce qu'ils ressentent ,voir leurs sentiments pris en compte. Tout ce qu'ils disent peut avoir un impact. Meme si ils disent n'importe quoi, comme cette mere au bout du rouleau, les autres NT compatiront. Peut etre pas tous, mais autism speaks compte suffisemment dessus pour publier cette video promotionelle sans craindre pour son image.
Il est donc possible que je généralise parfois, que je mette tous les NTs dans le meme sac, dans mon investissement dans ce combat,Qui est un combat ou beaucoup se placent sur une base de "nous contre eux". Je ne fais pas partie de ceux qui placent tous les NT sans distinction dans ce "eux",je sais que beaucoup se placeraient de notre coté si ils savaient de quoi il retourne et si ils avaient la moindre idée de l'existence de ce combat.
Enfin, se placeraient "moralement"de notre coté. Il est difficile de s'engager dans un combat qui n'est pas le sien .
Je tiens donc á présenter mes excuses aux NTs qui me lisent, je me croyais seule sur internet, je n'ai donc pas pris leurs sentiments en considération. j'éspere qu'un peu d'histoire politique aura aidé a clarifier mes emportements et généralisations. Il va de soi qu'un NT qui s'interesse suffisemment á l'autisme pour lire le blog d'un autiste est inclu dans le "nous".
mes excuses sont donc superflues :)

dimanche 12 décembre 2010

NON

Certaines personnes ne comprennent pas. Ils disent "les autistes, ça ne parle pas". ou bien "Mon fils est autiste, en tout cas plus que toi"
Je ne vois pas la difference entre votre fils et moi. Je sais qu'il peut parler, votre fils. Mais il ne parle pas. De meme que je sais que je ne peux pas parler. Pourtant je parle.
Ou du moins j'arrive a donner aux gens l'illusion que je leur ai répondu.Le language parlé n'est pas ma langue maternelle. Je suis bien plus á l'aise par écrit. j'arrive a créer une illusion de fonctionnement á l'oral qui souvent est contre productive: on me croit idiote. ou indifferente. Ou froide.Si l'on m'autorisait á écrire mes réponses puis les lire á mon interlocuteur, je pense que les mauvaises impressions que certaines personnes retiennent de leurs conversations avec moi disparaitraient. Malheureusement, je serais jugée pour "avoir pris le temps de répondre correctement" Ce que les gens veulent, c'est une réponse rapide ET sensée. J'ai donc recours a des scripts assez souvent.
oui, des scripts, comme mon fils qui répond "bien"quand je demande "comment ça s'est passé á l'école? "
Il existe des scripts de toutes sortes. des scripts volés a des gens, á des livres, á des films.
On me demande " mais sinon, comment ça va , toi? "
J'ouvre le classeur marqué "comment ca va" et je trouve :
-"oh tu sais, on fait aller! " ( populaire)
-" impeccable! " ( un ami de mon pere)
- " je fais ce que je peux, mais c'est dur "( un forum de maternité)
- " á ton avis, avec 20 balles dans le corps, comment on peut se sentir? " ( nicky larson)
- "il n'y a pas de cuiller" ( matrix)

bref, plein de choses. Apres je fais mon choix , lá par exemple il vaut mieux répondre "impeccable"que "je fais ce que je peux etc" , sinon ben...d'autres questions suivent, et comme en fait ca va, je vais devoir inventer. coller a la réalité avec son script, c'est le plus sur.
mais bon, l'option "script"est une option á économie d'énergie. C'est tout pret, facile, un peu comme un mac do. Les gens s'en satisfont assez bien en général.
Seulement parfois j'ai aussi envie de parler! Oui oui ca arrive. Quand je tiens a ce que la personne sache ce que je pense vraiment, ce que je ressent, quand la personne est réellement interessée et que je sais qu'elle me laissera le temps de fabriquer mes réponses a mon rythme, je tente le coup.
C'est en général dans ce genre d'occasion que mon interlocuteur peut se rendre compte de mes problemes de "fabrication spontanée de conversation". Je cherche mes mots, un par un, sans recourir a une phrase deja entendue ailleurs. Je les place dans un ordre qui tente de traduire ma pensée le plus exactement possible. Les mots m'échappent, je peux mettre 10 secondes a trouver le mot "important" , ou "sensibilité" , et si je sens que la personne perd patience, j'ai automatiquement recours a un script pour calmer sa tension.
Voila pourquoi je dis que je ne sais pas parler. Pourtant je parle. Tout est apparences. Je n'existe vraiment que dans ma tete, lá ou je sais qui je suis, et il m'a fallu un certain temps pour comprendre que ce qui importait aux gens, c'etait de croire qu'ils savaient qui je suis.Pas de me connaitre.
Il y a des moments oú aucun script ne me vient, dans des situations d'urgence , dans des moments de stress.
J'en ai parlé á ma mere récemment et elle a rit, elle sait de quoi je parle.
Si je suis dans une voiture et que le conducteur parle tellement qu'il ne s'est pas apercu qu'il allait écraser un piéton, je redeviens non verbale. Je vois le piéton, je vois que le conducteur n'a pas vu le piéton, je n'ai pas le temps de trouver un script, la seule chose qui me vienne dans ces cas la c'est "NON " . je dis "non" en remuant les bras. non. 
C'est rarement trés utile, mais c'est tout ce que je trouve. C'est parce que je ne sais pas parler.Pas comme vous.

votre attention s'il vous plait!

Quand j'étais petite, j'avais un super pouvoir. Je pouvais me rendre invisible, transparente. C'était vraiment un pouvoir interessant.Je pouvais m'assoir prés des adultes et les écouter sans qu'ils remarquent ma présence. Si par hasard j'étais moins transparente que d'habitude, je pouvais disparaitre un peu plus en posant ma tete sur mes bras, sur une table, ou en sucant mon pouce. En général cela fonctionnait sans probleme. J'étais lá incognito.
J'ai appris beaucoup de choses en espionnant les adultes de cette façon. Les choses dont ils parlaient entraient dans ma tete ou je les classais par sujet, par ordre d'importance, dans l'éspoir de pouvoir m'en resservir plus tard, quand je serais assez grande pour participer.
Il m'arrivait de temps en temps de tester, pour voir si le moment était enfin venu. Je ressortais alors un morceau de conversation ou une phrase entendue ici ou lá, mais les regards des adultes dans ces moments la me montraient que je m'étais trompée. J'étais encore trop jeune pour dire ce genre de choses.
Bien souvent, peu apres, je surprenais des conversations qui me confirmaient mon impression: elle a l'air de ne rien entendre comme ca, mais elle enregistre faut pas croire! elle ne parle pas mais elle est trés fine! elle est trés intelligente mine de rien!
bon. Ce n'est pas encore le moment. Il faut etre adulte pour pouvoir parler sans se faire remarquer, peut etre dans quelques années.
Parfois etre transparente ne suffisait plus. Il fallait faire disparaitre le monde. C'était assez simple: il suffisait de prendre un livre et le monde n'existait plus. Dans les livres, je pouvais épier des millions de conversations, voler des millions de phrases, sans que personne ne se tourne vers moi.
C'était magique.
Peu a peu, mon corps grandissait. Le moment de participer aux conversations allait arriver. Mais curieusement, lorsque j'essayais, je ne passais toujours pas inapercue. Au college on me traitait de "snob". Aparemment mes mots étaient trop longs. Mes phrases trop formelles. La plupart des choses que je disais passaient au dessus de la tete de mes pairs. Il fallait donner des définitions, expliquer une expression, c'était fatiguant. Je savais que le moment n'était pas encore venu. Ils ne me comprenaient pas, parcequ'ils étaient encore trop jeunes. Les adultes souvent me comprenaient deja mieux. J'avais le choix: ne fréquenter que des adultes jusqu'á ce que mes pairs soient adultes eux memes, ou essayer de parler comme eux. J'ai essayé de parler jeune, mais c'était trés fatiguant. Souvent cela sonnait faux á leurs oreilles. je continuai de préferer la compagnie des adultes, qui comprenaient au moins le sens des mots que j'employais.

Puis je suis officiellement devenue physiquement adulte.Pourtant j'étais toujours invisible.Cela n'avait plus aucun interet, je ne dépendais plus de personne, je voulais etre prise au serieux par mes pairs a present.
Mais j'étais transparente. La dame du guichet parle a la personne derriere moi. Elle ne me voit pas. Ma présence est trop faible.
Les adultes parlent á table,et je sais que j'ai l'age de participer á la conversation, j'en ai officiellement le droit á présent. mais je m'aperçois vite que c'est plus qu'un droit. C'est un devoir. Meme si je n'ai rien a dire sur un sujet, si je n'en ai entendu parler dans aucun livre , Mon Avis m'est demandé.
J'essaie de redevenir invisible. Ca marche encore,alors j'écoute les conversations. j'ai déja entendu tout ca. Ce n'est pas une conversation nouvelle, je l'ai entendue a 5 ans, a 11 ans et une autre fois a 13. Il n'y a rien a dire lá dessus que des gens de 50 ans n'aient pas déja entendu, si moi je connais la conversation par coeur. je tente une phrase toute faite: surprise. ils hochent la tete, ils approuvent, ils enchainent. Pourquoi? Ce n'est meme pas une idée nouvelle. Je me désinteresse. Je m'interroge en les écoutant: ou sont passés les adultes qui disaient des choses nouvelles? Peut etre des adultes plus agés auront ils plus de sujets de conversation? J'écoute des grand meres parler du temps qu'il fait , de leurs petits enfants, et m'aperçois que non. personne n'a plus rien de nouveau a dire, toutes ces conversations ont dejá eu lieu.
Je redeviens invisible pour de bon. Il parait que je suis timide. On essaie de me forcer a participer en me regardant droit dans les yeux, je répond automatiquement, esperant que cela tombe juste dans la conversation, puis je n'en peux plus. Ils sont assis a table et font avec leur bouche un bruit infernal qui ne signifie plus rien. Ils répetent des conversations parfois vieilles de 20 ans.
Pourquoi? je ne trouve rien pour justifier ça.
Je me leve , et je vais regarder les enfants qui jouent. Je suis invisible pour eux aussi, alors je joue avec eux et prend forme. Ils ne répetent pas de conversation, ils ne sont pas encore des petits perroquets. Ce qu'ils disent á un sens, pour eux.Les mots ont encore une signification.
J'entend les adultes, ils parlent de moi, tout bas. "elle est timide". Je suis timide? je ne suis pas timide. ce qu'ils disent ne signifie rien, n'a pas de valeur.
j'ai un super pouvoir. je suis invisible.

vendredi 10 décembre 2010

je vais faire une liste ...j'aime bien les listes!
ce que j'aime dans le fait d'etre seule chez moi, avec la porte fermée a clefs...
- je peux marcher sur la pointe des pieds
- je peux me mettre en boule sur le canapé, et regarder un film
- (meme pas coiffée)
- je n'ai pas besoin de réarranger mon visage et de bouger les muscles de mes joues sans arret, quand je suis toute seule, mon visage peut se reposer
- je peux regarder autour de moi et voir qu'il n'y a personne. c'est magnifique.
- je peux regarder les gens passer par la fenetre en sachant qu'ils ne viennent pas chez moi. ils vont a la boulangerie, ils ne savent meme pas que je suis la....c'est magnifique aussi.
- je peux réflechir, m'instruire, lire, et m'ameliorer tranquille.
- je peux me faire du thé et manger des biscuits ( j'ai des plaisirs simples...)
- je peux m'enrouler dans une couverture, et lire un livre.
- je peux écrire , partager, communiquer sans avoir a me fabriquer un visage,pas coiffée, sur mon canapé ...
- je peux laver mon linge a la main , les mains dans l'eau bouillante, le cerveau occupé pas un million d'autres choses, ne pas avoir de machine ca laisse du temps pour penser.
- je peux me tenir comme je veux.je peux mettre mes pieds sur ma table si je veux. nafoutre.

une autiste normale

Lorsque l'on prononce le mot "autisme", en general, les gens ont un drole de regard. un mélange de pitié, de compassion, et de superiorité. oui, je sais, ce n'est pas un sentiment mais je ne sais pas comment le décrire autrement. Les autistes sont souvent percus comme étant malades, ou mentalement déficients.
Les neurotypiques constituent la majorité de la population de notre planete. Les sociétés de chaque pays ont été formées pour répondre aux besoins de leurs neurotypiques. Car les neurotypiques ont aussi des besoins, comme par exemple la socialisation.c'est un besoin car apres une periode d'isolement prolongée, un neurotypique s'étiole :P il peut meme sombrer dans la dépression.
Ce n'est généralement pas le cas des autistes, qui si ils apprecient de pouvoir discuter et entretenir des amitiés, ont une sorte d'allergie au contact prolongé avec trop de neurotypiques a la fois. Ce n'est pas vraiment un manque d'envie , c'est une réaction physiologique, de la meme façon qu'une personne allergique aux oeufs peut avoir trés envie d'une crepe au sucre, mais saura que si elle a mangé un flan le matin, elle ferait mieux de s'abstenir.
Les réactions physiologiques a une socialisation trop prolongée peuvent aller d'une impossibilité a répondre aux questions, ou a participer a la conversation, un besoin d'isolement physique ( s'eloigner, aller jouer avec les enfants ou un chat ou juste marcher loin du bruit des voix) jusqu'a la crise de panique .
Les gens croient a tort que les autistes sont solitaires par choix. moi, j'aimerai bien pouvoir participer a une conversation sans me prendre la tete, etre détendue en groupe. Malheureusement, je suis allergique aux gens :)
Leur facon de communiquer est trop brutale , leur conversation souvent trop invasive, leur comportement non verbal étouffant, leurs regards trop fixes.
Il faudrait que je rencontre un ou une autiste pour savoir si je réagirai de la meme facon a leur contact. Il me semble que ce serait diferent. En ligne déja, nos conversations sont moins épuisantes que les conversations avec des neurotypiqes. Moins basées sur l'émotion et plus sur les faits, plus littérales, et surtout l'absence de sous entendus blessants est rafraichissante. On se sent en confiance. Si on n'est pas d'accord, les conversations restent factuelles, sans attaques personelles.
Je pense donc qu'il s'agit de deux cultures differentes, la culture de l'émotion, et la culture des faits. cela ne signifie pas, bien entendu , que les autistes soient dépourvus d'émotion, simplement que ce n'est pas ce qui forme la base de notre communication. ( cela ne signifie pas non plus que les NTs n'accordent aucune importance aux faits, mais ils sont capables de les ignorer en faveur d'un "sentiment"ou d'une "impression"ce qui est assez déroutant pour un autiste :P)
la culture majoritaire dicte ce qui est normal ou anormal. Du moment que l'on n'entre pas dans les petites cases, on a en géneral droit a un diagnostique, un "trouble"nous est attribué.

Tout cela est réellement une question de majorité. si notre société était en majorité autiste, les neurotypiques se verraient ils attibuer un diagnostique, un trouble? c'est possible.
Les symptomes existent: manque de logique, adherence a des rituels stéréotypés sans fondement, attribution de hierarchies sociales erronées ( non fondées sur les capacités mentales) ,etc.
Imaginez vous dans une telle société. Une société ou vos gestes les plus naturels, comme celui de prendre dans vos bras une personne qui pleure, serait vu comme un symptome? ( comportement social inapproprié á l'age de développement)
Une société ou l'on vous regarderait avec un peu de tristesse lorsque vous diriez "je suis neurotypique et je ne suis pas malade!"
C'est un peu cela étre autiste. Ce n'est pas etre malade. C'est etre différent. Heureusement, nous n'avons plus á vivre nos vies entieres en croyant etre seuls au monde , de nos jours, il est possible de rencontrer d'autres personnes comme nous et de se dire: mais je suis normale! Je ne suis pas une neurotypique bizarre!
Je suis une autiste normale.
Merci internet.

questions-sans-réponse

Comment s'est passé ta journée? voila le genre de questions que je pose a mon fils quand il rentre de l'école. Pourtant je sais bien que c'est une question impossible, que c'est un casse tete, que personne ne peut résumer 8 heures d'école en une phrase. Alors pourquoi est ce que je m'entete? Est-ce que je crois vraiment que plus je lui poserai la question, plus il sera en mesure de trouver le moyen d'y répondre? une sorte d'accoutumance aux questions idiotes? La seule chose qu'il a appris pour l'instant, c'est que ce que je veux vraiment savoir, et qui vient dans la question suivante, c'est "est ce que quelqu'un t'a embeté aujourd'hui? " parce que c'est ca que je veux savoir. mais une sorte de convention sociale me pousse, devant les autres mamans, a poser la question-sans-réponse.
Je sais bien ce qui lui traverse l'esprit quand je la pose, pourtant. un film de sa journée défile dans sa tete, il se demande si ce que je veux, c'est une description de TOUT ce qui s'est passé aujourdhui, si je veux un adjectif unique qui décrive la journée entiere, et tout en se rememorant les évenements , il s'agace de ma question-sans-réponse. Puis il dit "bien" il dira "bien" jusqu'a ce que je pose une question plus sensée, "qui t'a tapé aujourd'hui", lá il a la réponse. des noms, des faits, des détails.
Pour moi aussi les questions comme celle ci, tellement ouvertes qu'elles en deviennent incomprehensibles, posent probleme. Pourquoi tu fais ca? pourquoi tu ne fais pas ca? que penses tu de tel concept?
Les possibilités de réponses sont infinies. J'ai beau avoir envie de répondre, parfois, il m'est impossible de mettre le doigt sur la réponse que l'on attend de moi. Il faudrait en savoir d'avantage sur la personne qui pose la question.
est ce qu'elle veut des faits? des opinions? une histoire personelle? des statistiques??
Le probleme n'est pas de savoir ce que je pense. J'ai des opinions.
mais parfois j'ai envie de ne pas répondre. De soupirer, me lever et partir.
Certaines conversations sont trop fatiguantes.
Il y a un écart énorme entre ce que je pense et ce que je suis capable de dire. Organiser mes réponses de façon claire et concise aparemment ce n'est pas mon point fort.

mercredi 20 octobre 2010

test Baron-Cohen

Psychologist Simon Baron-Cohen and his colleagues at Cambridge's Autism Research Centre have created the Autism-Spectrum Quotient, or AQ, as a measure of the extent of autistic traits in adults. In the first major trial using the test, the average score in the control group was 16.4. Eighty percent of those diagnosed with autism or a related disorder scored 32 or higher.

traduction: le Psychologue Simon Baron-Cohen et ses collegues du centre de recherches sur l'autisme de cambridge ont créé le test du quotient autistique, ou AQ, afin de mesurer la les traits autistiques chez l'adulte. Lors du premier veritable essai de ce test, le score moyen du groupe de controle ( non autistes) était de 16,4.
80% des personnes diagnostiquées autistes ou désordres apparentés obtenaient un score égal ou superieur a 32.

http://www.wired.com/wired/archive/9.12/aqtest.html

résultat: 38....
il est marrant ce test mais il faut avoir un certain degré d'introspection pour pouvoir répondre correctement a des questions du genre "vous est il fréquemment arrivé de ne pas remarquer qu'une personne voulait changer de sujet lors d'une conversation avec vous? "....on peut facilement avoir un score inferieur si on ne s'en est jamais apercu, meme si c'est le cas.


dimanche 17 octobre 2010

les filles

L’Autisme « peut être raté chez les filles »

Les filles avec un autisme léger sont moins susceptibles d'être identifiées et diagnostiquées que les garçons, selon une étude.

Des chercheurs ont examiné 493 garçons et 100 filles souffrant de troubles du spectre autistique. Ils ont trouvé que les filles ont montré des symptômes différents, et moins de signes des symptômes habituellement associés à l'autisme, tel que le comportement répétitif.

Les chercheurs, qui ont présenté leur travail à une réunion du Collège Royal des Psychiatres, ont déclaré que cela pourrait signifier que des cas chez les filles sont ignorés. L'autisme est un phénomène qui affecte quatre fois plus de garçons que de filles, mais la dernière étude suggère que ceci pourrait ne pas être le cas. La plupart des enfants présentés dans l'étude ont été vus à Social and Communication Disorders Clinic à l’Hôpital du Great Ormond Street Hospital de Londres. D'autres cas provenaient deSunderlandet de Finlande.

Tous les enfants ont été classés comme de « haut niveau » ["high-functioning"]. Ils n'ont pas l'autisme classique, mais éprouvent des difficultés avec la socialisation et la communication.

Obsessions des relations

Les chercheurs, qui n'ont pas encore publié leurs recherches, ont trouvé que les filles étaient plus susceptibles d'avoir des intérêts obsessionnels centrés autour des personnes et des relations.

Toutefois, ces intérêts étaient plus facilement acceptables pour leurs parents, et ont donc tendance à ne pas être signalés aux médecins. En outre, ces types d'obsessions étaient moins susceptibles d'être découverts à l'aide des questionnaires standards de diagnostic.

Les enquêteurs ont déclaré que des recherches supplémentaires étaient nécessaires pour analyser comment les conditions du spectre autistique se manifestent différemment chez les deux sexes.

Le professeur Simon Baron-Cohen, spécialiste de l'autisme à l'Université de Cambridge, est d'accord. Il dit: "Ceci est un problème clinique important et il y a trop peu d'études pour y remédier.

"Nous ne devrions pas supposer que l'autisme ou le syndrome d'Asperger sont identiques dans les deux sexes. «Il y a de nombreux facteurs qui peuvent conduire à ce que ces états soient sous-diagnostiqués ou mal diagnostiqués chez les femmes, ou à ce que les femmes exigent un diagnostic moins souvent."

Judith Gould, de la National Autistic Society, déclare: "Nous avons entendu de nombreuses femmes qui ont été diagnostiquées tardivement dans la vie."

"Le mode de présentation de l'autisme chez les femmes peut être très complexe et il peut ainsi être manqué."

«C'est sans doute qu'en raison d'idées fausses et de stéréotypes, de nombreuses filles et femmes atteintes d'autisme ne sont jamais désignées pour le diagnostic, et sont donc oubliées des statistiques."

«Cela signifie que de nombreuses femmes qui ne sont pas diagnostiqués ne reçoivent pas de soutien, ce qui peut avoir un effet profond sur elles et leurs familles».


Mme Gould a dit qu'il était également possible que les filles étaient meilleures pour masquer leurs difficultés, afin de s’adapter à la société.

«Des caractéristiques telles que la timidité et l’hypersensibilité, communs aux personnes touchées par l'autisme, sont parfois considérées comme des traits typiquement féminins."

"Toutefois, si un garçon affiche de telles caractéristiques, on s’en inquiétera »

vendredi 15 octobre 2010

super aspie en action

 Je suis extremement litterale, et je pense en image. j'ai une image qui se forme dans mon esprit a chaque phrase prononcée, j'en crée une pour chaque concept nouveau (Visualisez un cercle.Voila comme ca lol) J'ai du mal avec certaines expressions si je suis stressée ou fatiguée, ou si je ne les ai pas entendues depuis longtemps. Pour illustrer ce fait, une petite historiette édifiante:

L'autre jour, j'ai emmené les gamins chez le medecin, pour les vaccins de la petite. (pour ceux qui l'ignorent, j'ai deux enfants, un garcon de 8 ans en passe d'etre diagnostiqué, et une fille d'un an et demi qui semble neurotypique)
Donc j'etais assise tranquillement quand une ...dame, commence a me parler. Elle bavarde et je donne les bonnes réponses, jusqu'a ce qu'elle me sorte:
" c'est pas trop dur de retourner dans les couches apres si longtemps?"
Petite pause interloquée de ma part, pendant que je contemple l'image qui vient d'apparaitre dans mon cerveau: moi, ne portant qu'une couche. Incongru. Je chasse cette image, tic tac tic tac elle attend une réponse, je me raccroche a la seule image qui semble probable: changer la couche de ma fille. Et je répond:
-"heu, non, enfin vous savez apres deux ou trois couches, ca revient vite!"
Elle me regarde. Bisarrement elle a l'air stupefaite. Ma réponse a beau etre stupefiante, la conversation s'arrette la, et je l'oublie dans son coin.
C'est en rentrant chez moi que j'ai capté. tout en marchant je retournais sa phrase dans ma tete en me disant  bon sang de bois, c'est une expression, je l'ai deja entendue, qu'est ce qu'elle veut dire???
Soudain, eureka! Ca veut dire "s'occuper d'un enfant"!!! Ah merde. Je repasse la conversation dans ma tete:
" c'est pas trop dur de retourner dans les couches apres si longtemps?"
-"heu, non, enfin vous savez apres deux ou trois couches, ca revient vite!"
Traduction:
-"c'est pas trop dur d'avoir a s'occuper a nouveau d'un bébé apres si longtemps?
option 1) -"pourquoi? la seule chose a faire c'est changer leur couche!"
option 2)- "ta question est débile.je vais me mettre en devoir de te le prouver"

bon, ben elle a du mal le prendre, c'est evident....j'aurais L'AIR handicappée, elle m'aurait surement pardonné ma connerie mais la, elle a du me hair....ah bah....une de plus ou de moins ;)

on se reveille la bas au fond!!!

voici venu le moment de vous expliquer ce qu'est l'autisme. *soupir* comment faire pour que vous ne vous endormiez pas en cours de route, telle est la question. je vais faire super vite sur les details techniques et en venir au fait qui nous interesse, les consequences dans la vie de tous les jours, le plus vite possible.
GRAND A: la partie ennuyeuse.
L 'autisme n'est pas une maladie.(ce n'est donc pas la peine d'essayer d'en guerir quiconque) Ce n'est pas non plus une deficience mentale . ( vous pouvez continuer a me parler normalement, pas la peine d'articuler).
L'autisme est un trouble neurologique. lorsque vous autres amis neurotypiques (normaux) naissez, vos neurones miroirs s'activent normalement. ils vous dictent que le sourire de votre maman est un truc cool, et que si vous souriez elle vous re-sourit. donc vous imprimez ca. ca devient vite automatique, et vous apprenez a lire ainsi puis a reproduire chaque emotion a partir du visage de maman, papa, la nourrice etc. mes neurones miroirs a moi sont connectés differemment, et si je veux apprendre ce que le sourire de maman veut dire, je vais devoir le decouvrir par moi meme. en gros, il va falloir qu'elle me l'explique. Avec des mots.
voila de facon super breve et non ennuyeuse, le probleme des autistes, c'est un probleme de connections neuronales qui ont été branchées bizarrement.

GRAND B: la partie super fun.
 Un autiste est une personne extremement litterale. Tout ce qu'elle sait, elle a fait l'effort de l'apprendre, rien ne vient "a l'instinct". a quel volume dois-je regler ma voix pour etre entendue et comprise sans faire mal aux oreilles des gens? a quelle vitesse parler? quelle force doit avoir mon sourire en fonction de la situation? tout cela s'apprend par coeur, a force de tests et des reactions des gens. Je parle encore trop vite, par exemple, mais j'ai appris a ne plus murmurer.
Le second probleme est le probleme des conventions sociales. Il y a des codes que tout le monde respecte aparemment sans y penser, de facon a produire une interaction agreable pour tout le monde. Ne pas se tenir a moins de 90 cm de quelqu'un en est une. Ne pas parler a quelqu'un qui vous tourne le dos. Ce genre de choses. croyez le ou non, pour un autiste cela ne peux etre appris que si c'est expliqué a voix haute. Moi je l'ai appris dans les livres, ou par élimination en testant sur differents cobayes.
Les codes sociaux dans la conversation: autre gros soucis. les autistes et en particulier les autistes verbaux, asperger ou de haut niveau, ont en commun le probleme d'avoir des sujets qui les passionnent, et il peut etre tres difficile et frustrant pour nous de changer de sujet. personellement je suis assez fine en lecture non verbale pour parfois ( je dis bien parfois....) detecter quand une personne en a assez ou veut changer de sujet, mais ca ne m'empechera pas d'etre agacée et de l'ignorer jusqu'a ce qu'elle le dise clairement. Si le nouveau sujet est ennuyeux a mourir, j'aurai tendence a hocher la tete et penser a autre chose, si je connais tres bien la personne, ou, si l'interaction est importante ( c'est mon boss, la maitresse du petit, une voisine dont je pourrai m'accomoder comme amie qui parle), je vais pedaler a toute vitesse pour trouver les réponses appropriées a chaque phrase. C'est tres fatiguant, autant vous le dire.....
donc, la conversation: en general les gens pratiquent beaucoup le "small talk". ils parlent de la pluie et du beau temps, de comment vont leurs gosses, de leur vie, tout en restant tres tres en surface des choses et sans aborder aucun sujet en profondeur. c'est impossible a suivre pour moi, et pour la majorité des autistes.Chaque sujet est potentiellement interessant, si on l'approfondit, mais approfondir en partant de l'angine du petit dernier mene a un debat sur les antibiotiques ,leurs dangers et benefices, la medecine moderne etc etc. personne ne fait ca. ca ne se fait pas, et je l'ai integré a present, non Claire, on ne brode pas sur l'angine du petit dernier, on n'elargit pas,au pire on fait un commentaire sur les changements de saisons et on passe á, tenez vous bien: Et ton mari ca va? et comme la dessus on ne brode pas non plus parceque au fond tout le monde s'en fout meme la femme du mari en question, moi personellement je ne sais pas comment cette conversation est sensée finir vu qu'elle n'a ni queue ni tete, ni pourquoi elle a commencé si elle n'interesse personne. voila le probleme: les neurotypiques et les autistes ne pratiquent pas du tout le meme genre de conversation. les premiers parlent, aparemment , pour le plaisir de d'entendre les mots se former, ou pour meubler le vide, ou je ne sais quoi. Les autistes parlent de ce qui les interessent, a fond. Parfois en boucle, ok, mais a chaque boucle se forme une petite avancée sur le sujet, et c'est ca qui est trippant. Si les autistes parlent pour s'apprendre des choses les uns aux autres, les neurotypiques parlent, d'apres ce qu'on m'a dit hein, pour "créer du lien social". je ne saisis pas le concept, il n'y a aucun lien social qui se forme dans une conversation ou les gens n'échangent rien. mais trop echanger est pour eux ( vous...) aparemment immoral ou choquant. Il m'est arrivé plus d'une fois dans une conversation superbement moribonde de partager "juste un peu trop"avec quelqu'un , croyant creer un "lien social". en regle generale ca passe tres mal. Ne jamais rien approfondir est la regle, surtout si le sujet choisi est considéré comme tabou.
Je sais que je brise une regle sociale en parlant de mon autisme, mais c'est different. Pour une fois, mettre mal a l'aise mes interlocuteurs est le dernier de mes soucis.
 donc. L'autisme est un spectre. ( vous visualisez le spectre des couleurs? voila) A un bout de ce spectre se trouvent les autistes dits profonds, qui ne parlent pas, ne mangent pas seuls, ne s'habillent pas seuls, et ont l'air de ne rien capter de ce qui se passe autour d'eux. A l'autre bout, les autistes asperger, qui parlent de facon inappropriée aux inconnus et s'habillent en general n'importe comment mais sont des super tetes dans leur domaine de predilection. les graduations entre les deux sont infinies, il y a autant d'autismes que d'autistes. Chaque personne reagira differemment selon ses capacités et son environnement, la profondeur de son handicap et son environnement social. Il existe un mythe disant que les autistes asperger sont des genies, et j'aimerai clarifier ce point. je vais voler cette illustration au docteur temple grandin. La puissance de concentration des neurotypiques et des autistes doit etre a peu de chose pres comparable. La difference réside dans la largeur du spectre de cette concentration. prenez une de ces vielles lampes de poche crayons pour exemple: on peut regler la largeur du faisceau lumineux. si un neurotypique aura un faisceau de concentration et d'interets suffisamment large pour englober les maths, le francais, la geographie, le dessin , ses semblables , les petits chats et que sais-je encore, la luminosité sera assez faible, mais egalement répartie sur ces differents sujets. chez un aspie, on a constaté que le faisceau est considerablement réduit a un ou deux interets principaux, il est donc particulierement puissant. C'est la que le mythe entre en jeu: si votre interet principal est l égypte ancienne, vous pouvez devenir un archeologue renommé, pour la simple et bonne raison que vous ne vous disperserez jamais, et que votre interet est rentable. si votre interet principal se trouve etre star treck ou je ne sais quoi de non productif, vous aurez beau rester concentré dessus jusqu'a connaitre les dates de sortie de chaque episode par coeur, personne ne vous qualifiera de genie. On vous apellera spock, au mieux.
personellement je suis nulle en maths.Dire ceci aura au moins l'avantage de vous empecher de me faire faire du calcul mental au pied levé ( ma mere a essayé...j'ai dit un chiffre au pif et lui ai laissé faire la division lol) (ensuite elle a essayé de m'apprendre a faire une division. j'en retiens une seule chose: on invente un chiffre au pif et on essaie et si ca marche pas ben on recommence. une division est une experience scientifique, c'est pas des maths.ca m'agace rien que d'y penser)
bref. je ne suis pas rain man.
a quel moment on est retourné au grand A?? bon sang, moi qui voulais expliquer clairement ,c'est raté.
bon voila. je vais aretter la pour aujourd'hui parceque je sens que je n'y arriverai pas. c'est une chose quasi impossible que d'expliquer comment on fonctionne a quelqu'un qui fonctionne differemment . enfin j'aurai essayé!

dilemne

Voici mon premier article, le premier de ce blog ou je vais pouvoir exister en tant que ce que je suis .
 Il est vrai que si je veux pouvoir etre moi meme, il va falloir que j'explique la base de ce qui donne sa forme a ma personalité , quoi que je répugnasse (lol) a le faire.
procedons par ordre. 
mon fils ,que je nommerai A pour faire genre mysterieux, ayant quelques difficultés d'ordre sociales et scolaire, voyait une psychologue (scolaire donc) depuis quelques temps. Cette dame a demandé a me rencontrer pour que nous discutions de ses progres. Elle me parle , je répond comme je le sens sur le moment, mais je sens qu'elle commence a m'observer. Quand quelqu'un vous fixe bizarrement comme ca, au bout d'un moment, on se pose des questions.....
Je me posais donc ces questions ("mais qu'est ce qu'elle a bon sang??") tout en essayant de suivre son discours évasif, lorsqu'elle me sort: bon, pour tout vous dire, je m'étais orientée vers un diagnostic de disphasie. Mais je commence a me demander s'il ne s'agit pas d'autisme.Il est assez facile de confondre les deux , vous comprenez?"
Réfrénant une pulsion soudaine ( lui demander si elle me prend pour une imbecile heureuse, c'est en general ce que la question que je sais pourtant etre rethorique "vous comprenez? "declenche chez moi ...) , j'enchaine:
"je comprend...mais que voulez vous dire par "je commence a me demander"? vous voulez dire que ca vous vient la maintenant?"
- "Eh bien oui en fait. j'ai une question un peu indiscrete, mais avez vous deja été diagnostiquée?"
je lui dit que non, ma foi.Mais je lui raconte en bref les difficutés que j'ai eues dans l'enfance , et lorsque je lui parle de mon obsession pour la lecture elle m'arette:
-"est ce que par exemple vous etiez tres frustrée si vous deviez aretter de lire pour vous mettre a table?"
et la ca me revient. je lisais a table. le livre dans une main et la fourchette dans l'autre, jusqu'a ce que ma mere s'enerve et me l'enleve des mains....lorsque je lui dit ca, elle s'exclame
-"AH voila!" ( j'aurais avoué avoir tué des chatons de mes mains qu'elle n'aurait pas crié plus fort...)
du coup je ne sais plus quoi lui répondre.je la regarde comme une idiote, et je dis:
-"vous me dites que je suis autiste parceque j'aime la lecture??"
elle rigole, donc je ris aussi, je me dis tiens ,soit j'ai encore fait une blague sans m'en apercevoir soit elle se fout de moi...
-"non non, me dit-elle. mais depuis que je vous ai rencontré, je me disai qu'il y avait quelque chose.votre facon de vous tenir par exemple, j'ai fait quelques tests discrets, vous ne m'en voulez pas,et bien vous copiez chaque geste que je fais."
alors la?!? voila bien une nouveauté. mais effectivement, elle me désigne mes bras du regard, et je suis comme elle adossée au dos du fauteuil, les avant bras sur la table et une main posée sur l'autre poignet.
Et voila comment cette dame a repéré mon autisme aux moyens que j'utilise pour le dissimuler depuis des années...et a la lecture.On a discuté plus que ca bien sur, on a du passer deux heures ensemble.
mais il y a une phrase qu'elle m'a dite et que je n'arrive toujours pas a classer. Elle m'a dit "mes compliments en tout cas, ca ne se voit pas du tout! "j'avoue que mon cerveau a fait une pause a ce moment la. Je sens bien que l'intention est dans l'intitulé, elle voyait cela comme un compliment. J'ai bossé dur toute mon enfance et adolescence pour etre percue comme a peu pres normale, et c'etait une validation de mes efforts. Pourtant je me suis sentie vaguement insultée et peinée. Effectivement, pour elle comme pour toutes les personnes avec qui j'interagis chaque jour, ne jamais montrer qui je suis reelement est une des clauses a respecter si je souhaite continuer a etre acceptable a leurs yeux.
Seulement voila, ou est l'interet d'avoir des interactions sociales avec quiconque si personne ne vous connait?
S'il suffit de rire aux bons moments et de donner la reponse appropriée a chaque situation pour etre considéré comme normal, etre considéré comme normal par des gens qui vous rejetteraient si vous ne vous forciez pas a paraitre comme eux est il réelement souhaitable?
Si l'on considére le fait que la plupart des lois regissant les interactions sociales neurotypiques sont incomprehensibles pour moi, et que la concentration intense qu'exige une conversation avec ma boulangere n'est rien a coté du stress provoqué par un repas de famille, demander un petit effort  de comprehension de la part de personnes qui évoluent dans le monde avec une aisance confondante est il deja trop demander?
Peut etre...mais ca vaut le coup d'essayer. Nous en venons donc a la raison d'etre de ce blog: d'une part expliquer l'autisme a ceux qui n'ont en tete que rain man et compagnie, d'autre part raconter ma vision des choses et des gens, de moi meme et du monde, en esperant etre comprise, tout en me disant que si j'arrive a me comprendre moi meme ce sera deja pas mal....